Auteur : À la rencontre de l’écran d’épingles

Dans le cadre de la production du film les bottes de la nuit, qui a bénéficié du Fonds de soutien aux œuvres d’animation Drôme-Valence Romans Agglo, nous avons rencontré Pierre-Luc Granjon, le réalisateur du film et Yves Bouveret, son producteur.

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Pierre-Luc, tu figures parmi les 8 réalisateurs français à être formés à la technique rare et délicate de l’écran d’épingles. Peux-tu nous en dire plus sur ta volonté de travailler sur cet objet si rare ?

J’ai croisé pour la première fois un écran d’épingles lorsque je réalisais Les 4 saisons de Léon, une coproduction Folimage/ONF (Office National du Film du Canada). L’ONF possédait alors l’unique écran encore en état de marche, que Michelle Lemieux utilisait pour réaliser Le grand ailleurs et le petit ici. Fasciné par cet objet qui semblait sculpter et animer l’ombre et la lumière, je ne savais alors pas que quelques années plus tard, le CNC, sous l’initiative de Jean-Baptiste Garnéro et Sophie Le Tétour, achèterait le tout dernier écran fabriqué par le couple Parker/Alexeiev. Jacques Drouin passa de longues journées à le restaurer, bientôt suivi par Michelle Lemieux elle-même, qui fut ensuite notre formatrice pour apprendre à utiliser l’écran d’épingles. Suite à ces 3 jours de formation, on a eu la chance de pouvoir avoir l’écran 1 mois chacun, et j’ai pris un grand plaisir à faire face à ces 277 000 épingles, si serrées entre elles qu’elles ressemblent à du velours. J’ai pu réaliser un court film (2mn) intitulé Le chien, et cela m’a donné envie de renouveler l’expérience pour un projet plus long.

Est-ce que l’écran d’épingles influence ta manière de penser ton film ?

Pour Les bottes de la nuit, je voulais travailler sur écran, mais je ne pense pas que cela ait influencé l’écriture du scénario (ou alors de manière inconsciente. Après tout, le film se passe une nuit de pleine lune, ce qui me permet d’énormément jouer avec le clair-obscur). Par contre, dès que je me suis mis à dessiner le storyboard du film, je n’ai jamais cessé de penser aux propriétés de l’écran, à ses avantages, à ses inconvénients, aux transitions qu’il permet de créer entre deux plans, aux apparitions/disparitions de personnages ou de décors qu’il est si facile de concevoir avec cet outil. Toute la mise en scène du film a été influencée par la courte expérience que j’avais de l’écran, et continue à l’être vu que je permets de la modifier quand l’envie m’en prend, quand une meilleure idée me vient.

On sent que tu as parfaitement apprivoisé l’objet. Quel rythme de fabrication te donnes-tu ?

Je me suis donné une moyenne de 3 secondes d’animation par jour. Certains jours, j’arrive tout juste à dépasser la seconde (pour certains gros plans du film, ou lorsque l’animation est particulièrement compliquée) mais d’autres fois je ne suis pas loin des 6 secondes. Après ces 4 premiers mois à la Cartoucherie, je pense à peu près avoir trouvé mon rythme de croisière.

Et toi, Yves, en tant que producteur, comment as-tu abordé le projet de Pierre-Luc ?

J’ai abordé Les bottes de la nuit, comme un projet exceptionnel, qu’il est, avec la nécessité d’une anticipation maximum et la plus exhaustive possible dans la phase de préparation qui a duré presque deux ans pour répondre aux souhaits et aux attentes de Pierre-Luc.

L’enjeu principal étant que toute la phase de production, d’animation et de réalisation soit la plus sereine et agréable possible, pour laisser toute sa place à l’artistique, à la narration, à l’esthétique et la technique de l’animation et son « écriture performative », en face à face doux et au long-cours, entre l’épinette et Pierre-Luc.

Le premier acte de cette préparation minutieuse et très détaillée a été de réserver l’écran d’épingles, dès 2020, auprès de Jean-Baptiste Garnero et Sophie Le Tetour du CNC et des Archives françaises, initiateurs et accompagnateurs passionnés, méthodiques et précieux de cet outil patrimonial unique et exceptionnel.

L’autre phase déterminante a été de s’assurer la possibilité d’associer, très en amont, les meilleurs professionnels aux côtés de Pierre-Luc et de Les bottes de la nuit : Loïc Burkhardt, comme chef opérateur Son à tous les stades de la fabrication, et particulièrement sur l’enregistrement déterminant des voix en amont, Sara Sponga, comme Cheffe Opérateur du film pour s’assurer que le studio-atelier soit parfaitement installé à La Cartoucherie, Christophe Gautry pour le compositing et Antoine Rodet pour le montage sont déjà aussi intervenus très tôt sur Les bottes de la nuit.

Justement, le fait pour Pierre-Luc d’avoir débuté la fabrication du film à La Cartoucherie, grâce au partenariat de confiance trouvé avec Les Astronautes, a permis de débuter en lieux sûrs, au sein d’un écosystème nourrissant…

C’est absolument formidable d’avoir bénéficié de l’expertise et de l’accueil simple, humain et professionnel de Jean Bouthors, Vanessa Buttin-Labarthe, Stéphane Ripé et de toute l’équipe des Astronautes au sein de ce site unique en France qu’est La cartoucherie. C’est rendu possible très concrètement grâce au fond de soutien Valence Romans Agglo et du Département de la Drôme et aussi de celui de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

En tant que délégué général d’Écrans VO, je suppose que tu réfléchis à la diffusion du film et la vie que tu lui souhaites ?

Je suis extrêmement sensible à la vie des films en festivals et en salles de cinémas, et bien sûr à la rencontre avec les auteurs, au sein de Ecrans VO, réseau des 26 cinémas du Val-d’Oise et d’Image par Image, consacré au cinéma d’animation, que j’ai la chance d’accompagner depuis plus de 20 ans.

Chaque film est unique et les projections et/ou rencontres entre les professionnels et les publics sont des moments rares et précieux.

Les bottes de la nuit sera inscrit, pour être possiblement sélectionné, dans près de 400 festivals nationaux et internationaux, il sera projeté sur grand écran, au cinéma dans un programme de film jeune public dans toutes les salles art et essai de France à partir de 2025. L’agence du court-métrage assurera la distribution de Les bottes de la nuit en festivals non sélectifs, en salle de cinéma ainsi que pour toutes les ventes nationales et internationales. On espère particulièrement que Les bottes de la nuit pourra intégrer la très belle collection Mèche courte en Auvergne-Rhône-Alpes.

J’ai hâte que Les bottes de la nuit et Pierre-Luc puissent partir à la rencontre de tous les publics pour, ensemble, voyager, émerveiller, partager, échanger, rêver, grandir…

Autre chose que vous souhaitez ajouter…

Nous serions très heureux de pouvoir revenir dans les années qui viennent sur un futur projet à La Cartoucherie, à nouveau en partenariat dans l’idéal, avec Les Astronautes.

Les bottes de la nuit

  • Pierre-Luc Granjon
  • Écran d’épingles
  • Durée : 10’
  • Am Stram Gram

Alors que ses parents reçoivent des amis, un enfant sort de chez lui en pleine nuit et entre dans les sous-bois, bottes en caoutchouc aux pieds. Là, une étrange bête, curieuse et solitaire, va l’entraîner au cœur de la forêt à la rencontre des créatures nocturnes qui y vivent, et pour ne pas être seule à nouveau, tentera de retarder le plus possible le départ de l’enfant.