Culture : Marionnette & Ecrans

Les 7e Rencontres nationales des arts de la Marionnette entament leur second stop à Valence, qui plus est à La Cartoucherie et à Lux, scène nationale pour parler de la marionnette sur les écrans.

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L’occasion de discuter avec la Cie Stereoptik, duo des plasticiens musiciens Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet et leur retour sur le territoire en compagnie de Chaïtane Conversat et Christophe Gautry artistes-auteurs, spécialistes de la stop-motion à La Cartoucherie.

C’est en 2020 que l’histoire commence lorsque vous présentez à Lux le spectacle Stellaire, spectacle visuel occasionnant la rencontre avec le studio Folimage. Véritable rencontre de votre binôme de marionnettistes de plateau et des réalisateurs et animateurs stop-motion se produit… Dans votre spectacle vous animez en direct avec des techniques insoupçonnés des professionnels du cinéma d’animation.

Le projet Antichambre a effectivement commencé en 2019 avec l’écriture d’un scénario. S’en sont suivis la construction du décor principal et la réalisation de deux séquences animées en 2D. Elles ont été réalisées « à l’ancienne » avec des calques, des crayons et de la peinture. Lorsque nous sommes venus jouer Stellaire à Lux à Valence, nous avons rencontré Corinne Destombes, directrice du développement chez Folimage, avec qui nous nous sommes tout de suite compris. Nous avons eu l’envie commune de se lancer dans l’aventure en réalisant notre premier court métrage d’animation : Antichambre

S’en suit une véritable zone de contamination (en référence au projet de l’association THEMAA)…mutuelle entre vous et les professionnels de l’animation à La Cartoucherie. Racontez-nous…

Nous espérons n’avoir contaminé personne, en tout cas, personne ne nous a contaminé. Par contre nous nous sommes enrichis mutuellement par nos expériences et nos parcours. Nous avons appris énormément de choses, notamment, dans la méthode d’organisation d’un tournage. Nous nous sommes enrichis du savoir-faire des personnes avec qui nous avons collaboré.

Delphine Daumas et Sandrine Héritier pour la fabrication des accessoires nous ont bluffées par leur ingéniosité et la variété des procédés mis en œuvre. Chaïtane Conversat a su donner vie aux personnages que nous avions fabriqués par sa connaissance du corps humain en mouvement. La maîtrise du compositing de Christophe Gautry nous a ouvert le champ des possibles. Fabien Drouet en chef opérateur nous a rassuré sur la qualité des images et de la lumière. Solène Blanc, chargée de production chez Folimage, nous a apporté son soutien en production.

Christophe, Chaïtane, pouvez-vous revenir sur cette expérience ? Est-ce nouveau de se confronter aux pratiques de la scène pour aborder la mise en mouvement des marionnettes ? Cela change-t-il votre expérience ?

Christophe Gautry : En cinéma d’animation, nous avons l’habitude de commencer la fabrication sur des bases extrêmement rigides: script finalisé, animatique sonore. Ce n’est pas vraiment par choix mais pour des raisons économiques car l’animation coûte cher à fabriquer et on peut difficilement se permettre de fabriquer des images que l’on n’est pas sûr de retrouver sur l’écran au final. La démarche du spectacle vivant est différente car chaque représentation intègre une part de création. Les œuvres intègrent une forte dimension d’interprétation et prennent ainsi forme tout au long de leur fabrication et leur diffusion. C’est cet aspect de création et de remise en question permanente qui était très intéressant à anticiper dans ce projet. Par ailleurs l’approche multimédia du projet était très motivante avec un mélange de film, marionnettes stop-motion, vidéo projection etc…

Chaïtane Conversat : Oui, c’est vrai, c’était quelque part comme casser les codes de l’animation car nous devions commencer vite sans ce temps de préparation indispensable, avancer en suivant leurs intuitions et leurs feeling. C’était comme si Stereoptik faisait apparaître un nouveau décor derrière un rideau pendant son spectacle. Cette impulsivité n’est pas courante dans le cinéma d’animation où tout est minutieusement anticipé, calculé.

Dès lors vous vous emparés de nouveaux outils, intégrant de nouveaux mots de vocabulaires… Est-ce que cela vous apporte de nouveaux rythmes de création ?

La réalisation de ce court métrage nous a pris environ six mois, dont à peu près deux mois dans les studios de Folimage à La Cartoucherie. Dans nos spectacles nous mélangeons les techniques d’animation, c’est aussi ce que nous avons fait dans le film. L’animation en volume et le compositing étaient pour nous deux nouvelles approches que nous ont apportées Chaïtane et Christophe. La création de nos spectacles a toujours été longue, environ deux ans. Le court métrage a ajouté six mois à notre temporalité de création.

Chaïtane, Christophe, selon vous, s’agit-il d’œuvre d’art augmentée ? en cela que croiser des techniques du spectacle vivant et du cinéma ne viennent pas se juxtaposées mais apportent un augment dans le processus de création pour faire naître un dispositif hybride…

Christophe Gautry : La démarche est audacieuse, car spectacle vivant et cinéma n’impliquent pas le spectateur dans le même rapport au temps. Je trouve que Steréoptik aborde ce problème de manière audacieuse en envisageant de déconstruire l’objet même de leur film pour le “refabriquer” dans une forme hybride devant les spectateurs. Ils s’affranchissent ainsi de la temporalité imposée par le cinéma. Le fait d’envisager une narration sous l’angle d’ambiances plutôt que d’intrigue est également une démarche intéressante qui permet l’expérimentation.

Cette rencontre valentinoise a favorisé la création du spectacle que vous venez nous présenter cette fois : Antichambre, projet pluridisciplinaire, décliné en spectacle, film d’animation et exposition, mêlant dessin animé, peinture, théâtre d’objets et musique. Parlez-nous du spectacle.

Tout part d’une image : un jeune homme absorbé par son travail tombe par hasard sur une photo de son enfance. Cette photo va lui permettre de renouer avec sa sensibilité, son imaginaire, mais aussi de rencontrer l’amour…

Chaïtane, Christophe, vous connaissez le spectacle ? Qu’en attendez-vous ?

Christophe Gautry : Nous n’avons pas encore vu le spectacle mais nous avons pu assister à une partie conception et à l’élaboration de pistes pendant la fabrication du film. Nous sommes comme vous très curieux de voir le résultat sur scène.

Chaïtane Conversat : J’ai vraiment hâte de découvrir le spectacle pour lequel ils ont inversé les codes, habituellement on filme les coulisses d’un spectacle, ici ils vont nous montrer en live les coulisses du film, de voir comment seront ressenties et imbriquées ces temporalités et ces espaces de créations différentes , le spectacle avec ses manipulations en direct et son lot d’imprévus, l’image par image où tout est calculé, le décor du film dans le film et sur la scène comme une poupée russe.

On découvre même le film entier à la fin du spectacle…

Sur scène, nous guidons le public sur le chemin des idées qui ont donné vie au film : d’abord une esquisse, puis une gomme qui l’efface, un croquis apparaît, un paysage prend forme traçant un lien intime entre les spectateurs et le film.

Les peintures ou les manipulations sont réalisées en direct sur une table à dessin et projetées sur un écran de cinéma. Au fil du spectacle les procédés plastiques et musicaux s’enrichissent, la couleur surgit, des silhouettes en papier se mettent à danser le tout sur une musique live et inspirée, nous plongeant dans un univers créatif, poétique et onirique. A la fin, le public découvre le film dans son intégralité.

Chaïtane, Christophe, que ressentez-vous à l’idée de compresser le temps de création le temps d’un spectacle ? Quand on sait qu’il faut des années pour faire un film d’animation…

Chaïtane Conversat: C’était très intéressant de voir se mélanger nos deux temporalités, leur spontanéité, leur fougue et leur foisonnement d’idées que l’on retrouve lorsqu’ils sont sur scène, couplés à la rigueur, la méticulosité, la patience et l’importance de tout prévoir et anticiper pour la réalisation d’un film d’animation. Dans le studio, l’ordre des choses était un peu bouleversé.. C’était drôle de voir Jean-Baptiste (le plus survolté) devoir faire preuve de patience et attendre des heures pour voir un plan tourné et moi je devais être en capacité à tout moment de m’adapter à leurs nouvelles idées foisonnantes (normalement une fois que l’animatique est faite, on ne touche plus à rien). C’était vraiment très chouette de devoir faire chacun ces pas l’un vers l’autre pour que puisse naître leur projet.

Christophe Gautry : C’est une manière intéressante de mettre en lumière le processus créatif, cette démarche est d’autant plus intéressante que le film est fait d’une multitude d’éléments différents filmes ou dessinés.

Autre chose à préciser ?

Notre parcours a toujours été lié à des rencontres qui nous ont permis d’avancer. Celle avec Corinne Destombes s’inscrit dans ce mouvement. Il est toujours très satisfaisant de partir d’une envie, d’une idée, d’y croire et au final de créer une œuvre dont on est fier. C’est le cas d’Antichambre et nous associons à cette fierté toutes celles et ceux avec qui nous avons partagé ce chemin.

Christophe, Chaïtane, autre chose à préciser de votre part ?

Christophe Gautry : C’est très intéressant pour nous de nous confronter à d’autres moyens d’expression comme le spectacle vivant. Les enjeux techniques peuvent différer mais au final il s’agit toujours d’emporter les spectatrices et les spectateurs dans une expérience de l’altérité.