Publié le – Mis à jour le
Comment est née la collaboration avec Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, deux réalisateurs aussi basés à Valence ?
J’ai rencontré Alain Gagnol il y a déjà quelques années déjà, il venait de finir « Phantom Boy » et il avait très envie de s’essayer à la fiction en prise de vue réelle. A l’époque, nos sociétés étaient à Lyon. On a produit un premier court-métrage qui s’appelle « La solitude est un animal de compagnie » qui traite de la relation d’un écrivain avec ses personnages, c’est un film assez réussi. Et puis, de fil en aiguille, on a fait connaissance notamment autour de l’écriture et de la naissance d’un scénario. On a parlé de fiction, évidemment, mais aussi d’animation et Alain a eu l’idée du personnage de Nina et du hérisson. Jean-Loup n’était pas très loin puisqu’il a tout de suite fait les premiers designs graphiques.
Produire un long-métrage d’animation, qui plus est de deux grands réalisateurs, c’est une longue aventure, comment as-tu vécu l’expérience ?
C’est une très belle expérience de produire un long métrage d’animation, surtout celui de deux talents qui sont aussi des collaborateurs exigeants. Chez Parmi les lucioles, on est très attaché à cette exigence. Depuis la naissance de l’idée en 2018 jusqu’à aujourd’hui, c’est près de 5 ans d’accompagnement sur ce film. Une expérience enrichissante mais aussi l’occasion de créer notre studio d’animation au cœur de Valence en 2021.
Il s’agit là d’un projet ambitieux pour un public cible qui ne va pas seul au cinéma ; comment souhaites-tu intéresser ton public ?
La question du public se pose dès l’écriture. Dès les premières étapes de développement, notamment au niveau du travail réalisé autour des trois personnages principaux. Alain Gagnol vous dira qu’on est sur un geste pur d’auteur mais, évidemment, il pense toujours à son public lorsqu’il écrit. On a deux personnages forts, une petite fille et un petit garçon, qui au début du film ont 6 ans et représentent ainsi le bas de la cible. Pendant le premier acte, ils grandissent et à la fin du premier acte, ils ont 10 ans et intéressent ce qu’on appelle « la cible ascendante ». On a également l’atout du personnage du hérisson, un personnage cartoon qui va plaire aux enfants plus jeunes mais aussi attirer un public plus large. En ce qui concerne la question des prescripteurs, à savoir les parents et les grands-parents, ceux qui emmènent les enfants au cinéma ou qui recommandent aux enfants de le regarder à la télévision, nous traitons un sujet social, celui de la perte de l’emploi. Un sujet finalement peu traité pour les enfants et qui, pourtant, les concerne puisque souvent un enfant vous demandera si votre journée s’est bien passée quand vous rentrez le soir. C’est un sujet important.
Le film prend la forme d’une enquête, c’est un film d’action, un polar familial qui embrasse toutes les cibles. Il y a beaucoup d’humour, d’émotions diverses, de la peur, de la joie, des rires, un spectre très large qui correspond aux enfants et aux parents.
Justement, le film dispose d’un casting très en vue avec Audrey Tautou, Guillaume Canet, Guillaume Bats, pour ne citer qu’eux…
La question du casting est passionnante, au même titre que celle de la cible avec un double enjeu : choisir les bons comédiens pour incarner un personnage et comment ce comédien peut « parler » au public. Pour Audrey Tautou, les réalisateurs avaient déjà travaillé avec elle sur leurs précédents films (Phantom Boy) et pour Guillaume Canet nous avons tout de suite pensé que le timbre de sa voix correspondrait au papa de Nina. Déjà parce qu’ils ont une très belle relation dans l’histoire du film, très douce et bienveillante, mais aussi parce qu’à l’époque, quand on l’a contacté, il avait deux enfants du même âge que notre héroïne. Mais la très bonne idée de ce casting reste le hérisson, incarné par l’humoriste Guillaume Bats qui a fait de sa maladie, l’ostéogenèse imparfaite, une force pour se démarquer sur scène, notamment par sa voix très particulière. Il apporte ainsi une personnalisation très forte de ce personnage qui est construit sur l’idée d’un vieux cartoon en noir et blanc. Le tout fonctionne très bien dans ce film car ils ont été menés par la directrice de casting qui était aussi la directrice de plateau, Marie Bureau. C’est elle qui a supervisé le casting des enfants Nina et Mehdi, ce qui n’était pas évident. Pendant les deux ans de la fabrication, à chaque fois que j’écoutais soit l’animatique soit le film, quelle que soit l’étape, j’avais toujours l’impression d’avoir les deux enfants avec moi tellement leur jeu est naturel. C’est la force de leur acting, supervisé par le très bel accompagnement de Marie.
En tant que producteur délégué, tu as ce désir de faire des films audacieux et tu t’entoures de partenaires européens. Comment s’est passée la coopération avec Doghouse Films ?
La question des studios partenaires est capitale. Nous avons travaillé sur ce projet avec deux studios partenaires qui ont des statuts différents : le premier est TNZPV qui est un studio situé en Arles et Annecy, qui a géré le traitement image et le compositing du film. Notamment sur cette volonté des réalisateurs de travailler l’ombre, comme si le film était fabriqué à la craie à l’image de leurs précédents films.
Le studio coproducteur est luxembourgeois, Doghouse Films, qui a déjà signé de très beaux films à l’international. Les films comme celui-ci sont coproduits avec un financement un minimum européen. Notre collaboration avec Doghouse s’est très bien passée. Tout ça est très important, au-delà de la fabrication et du financement, puisque l’enjeu d’un film c’est qu’il touche un public en dehors de nos frontières. Et c’est vrai que le travail des Films du Losange, notre vendeur international sur ce film, va s’appuyer sur une visibilité en festival de catégorie A et sur des partenaires européens parce que ce film a bénéficié du Film Fund Luxembourg mais aussi celui d’Eurimages et, au début de son financement, de MEDIA Creative Europe.
L’enjeu est ainsi toujours de trouver le bon partenaire artistique mais aussi le bon partenaire financier dans un juste équilibre et avec des affinités humaines et artistiques partagées.
Présenté en work in progress au MIFA 2022, le film fait son grand retour à Annecy en avant-première mondiale, c’est énonciateur pour la suite… Je crois savoir que tu as déjà trouvé des distributeurs en Europe ?
On est très content que ce film soit présenté au MIFA en avant-premières évènementielles. Il est présent sur quatre projections très ciblées : une première le dimanche après-midi pour le public sourd et malentendant – nous sommes heureux de savoir que nous aurons un public souvent oublié – ; la soirée dans la grande salle de Bonlieu le lundi soir en début de festival à 20h30, un bel horaire ; une séance scolaire organisée le mardi ; et puis le mercredi au Pathé. Notons que les multiplex peuvent être intéressés pour ce film d’auteur, à la fois pour son casting grand public avec Audrey Tautou et Guillaume Canet mais aussi par tout le travail qui est fait en amont de la sortie du film, prévue le 11 octobre 2023, par notre distributeur KMBO qui est sur les starting-block ! Plusieurs partenariats sont en cours de finalisation, notamment avec la LPO et le département de la Drôme. Le film va faire l’objet d’une belle couverture d’avant-premières à l’échelle nationale dans le cadre du Little Films Festival. Il va être vu dans le même week-end dans plus de 300 salles de cinémas art et essai en France. Il a été aussi soutenu par le réseau Jeune Public de l’AFCAE. C’est un film qui est très attendu par le marché.
Crédit photo : KMBO