Auteur, écologie : Réalisation d’un film d’animation qui tend vers le 100% vert ?

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Eloïc Gimenez est réalisateur et animateur pour différents studios du Pôle de l’image Animée – La Cartoucherie. Ancien élève de La Poudrière (promo 2007), il vient de finir en début d’année son nouveau projet, et pas des moindre : réaliser un film qui tend vers le 100% vert, à savoir, intégralement alimenté par l’énergie fournie en pédalant

©crédit photo: Maya Visscher 

Animation et improvisation, c’est un peu ta marque de fabrique. Comment t’es venue cette idée de te lancer dans l’aventure d’un film réalisé directement en énergie auto-produite ?

En découvrant Cin’énergie une initiative de Maylis Mercat et Lucia Palenzuela. En parcourant le monde à vélo elles proposent un cinéma ambulant qui projette des films en lien avec les énergies renouvelables et les différentes cultures et personnalités rencontrées sur leur parcours. Pas mal hein ? Et cerise sur le gâteau elles expliquent aussi comment elles ont fabriqué leur vélo générateur en mêlant récupération et bricolage. C’est le déclic et le début d’une petite réflexion : serait-ce possible de faire un film d’animation en produisant soi-même l’électricité nécessaire et en réutilisant de l’informatique obsolète ?

Ensuite c’est certain que le contexte anxiogène liée aux changements climatiques et à toutes les questions environnementales qui en découlent m’a aussi poussé à mettre mes pieds sur le pédalier. C’était pas facile mais au final ça fonctionne et c’est passionnant, pas une journée ne se passe sans que je me dise “c’est fou… je travaille grâce à l’électricité que je fabrique moi-même, en pédalant !”

Comment fonctionne ton dispositif ?

La roue arrière du vélo entraîne le moteur d’une trottinette électrique qui génère un courant alternatif. Ce courant passe dans un premier élément électronique, un pont de diode, et ressort en courant continu. Enfin ce courant passe dans un deuxième élément électronique, un abaisseur réglable de tension, qui permet de stabiliser la tension et recharger correctement les batteries de mon précieux ordinateur de 2015 (fraîchement obsolète mais ça c’est une autre histoire, *grrrr*).

Ensuite y plus qu’à pédaler. En gros j’ai besoin de produire environs 60 Watts pour recharger mon ordi portable. J’ai commencé avec des sessions de 7 minutes, j’en ressortais déjà tout trempé avec quelques sensations dans les genoux. “Doucement et graduellement” me rappelle ma kinésithérapeute. Du coup sur 1 mois j’arrive à des sessions de 10 minutes, et dont le cumule monte maintenant jusqu’à 40-60 minutes par jour. Sachant que je travaille 2 heures comme animateur pour chaque session de pédalage de 20 minutes, combien de fois dois-je pédaler 10 minutes pour 5 à 6 heures de travail ?? Je ramasse la copie dans 1 minute !

Cela change-t-il ton rapport à l’œuvre ?

Lorsque je réalise un film d’animation je me soucie du scénario, du storyboard, du graphisme, mais je n’accordais pas ou très peu d’importance aux ressources énergétiques nécessaires à la chaîne de fabrication du film. J’économise et recycle le papier, mets l’ordinateur en veille, éteins les lumières quand il n’y a personne, fais le maximum avec le matériel que j’ai, comme à peu près tout le monde, non ? Mais pour ce film je décide de placer les besoins de la réalisation face aux contraintes d’une auto-production énergétique à l’échelle d’une personne. Ça m’oblige effectivement à chercher des astuces techniques et artistiques pour que l’auto-production me soit toujours accessible avec mon vélo générateur. Sur mon film ça marche. Du coup je trouve un vrai plaisir à passer d’une période de travail assis devant mon ordinateur à une session de pédalage qui défoule. Si je médite un peu sur ce défi je réalise que c’est quand même grisant de réussir à se passer du nucléaire, du charbon ou du gaz pour recharger mon petit ordi, et je bidouille pour réutiliser du matériel que les concepteurs d’aujourd’hui ne souhaitent apparemment plus faire fonctionner (obsolescence !), jusqu’à ma tablette graphique qui date de 2005, du Jurassic pour l’informatique, et qui en plus est plus économe que les nouvelles… à méditer.

Tu es toi-même impliqué dans les activités de La Cartouch’Verte, est-ce ta manière de sensibiliser aux enjeux environnementaux et sociétaux ?

C’est assez drôle car lorsque je parle du vélo générateur électrique pour faire un film d’animation tout le monde est assez surpris voire dubitatif. Quoi ? Attends, répète. Je croyais que c’était une blague ? Ça montre que l’électricité basse tension peut pousser à la curiosité et inspirer des discussions parfois farfelues (et tant mieux) mais potentiellement riches en nouvelles réflexions pour ce secteur. Imaginez un peu : un studio avec plein de vélo générateur ? Ça fait rire, réfléchir, ça en énerve certains, ça en motive d’autres. Franchement il y a des choses à développer, à discuter. Imaginez des personnes qui pédalent, encouragées comme des vrais stars le temps d’une soirée, pour projeter un film, amplifier un concert, un bal… Et côté santé ça pourrait faire du bien à tout le monde. J’ai l’impression qu’il n’y a pas grand-chose à perdre dans cette affaire.

Aimerais-tu que ton film soit diffusé de cette façon-là aussi ? à l’image d’initiative telle que Ciné-Cyclo ?

Tout à fait ! La boucle serait bouclée !! Récup informatique, pas d’empreinte carbone liée à l’électricité, et un bon bilan pour la santé ! Après faut que le film en vaille la peine ! C’est quand même pas de tout repos.

Justement parle-nous de ton film. Ton pitch…

Un couple de septuagénaires, Jeanne et Louis, va découvrir l’effet inattendu d’un bain de pieds en pleine journée sur leur balcon. Jeanne évoque un souvenir lointain et cocasse, celui d’un chien mordant la fesse gauche de son mari. Celui-ci n’hésite pas à rejouer la scène afin de prolonger le plus longtemps possible cet instant de complicité inattendu.

Crédit photo: Girelle Production

Autre chose que tu souhaites ajouter…

Ce film a bénéficié de plusieurs soutiens, dont le Fonds de soutien aux œuvres animées de Valence Romans Agglo et le Département de la DrômeAuvergne-Rhône-Alpes, un grand merci à eux en passant. Pour les autres régions (région Centre et région Sud) je ne pouvais pas y être pour pédaler et ce qui est certain c’est qu’ici à la Cartoucherie, à Bourg-lès-Valence, j’ai fait ma part du job en pédalant, grâce aussi au soutien de la société de production Les Astronautes. Je remercie également mon producteur Christophe Camoirano (Girelle production) et Mathieu Morfin (Chromatik studio) pour leur soutien tout au long de cette aventure un peu “expérimentale”,…et je note au passage que les animatrices du film, Mona Schnerb et Louise Azuelos, seraient motivées de pédaler pour un prochain film ;)!