Auteur : Rencontre avec Benoît Chieux

Dans le cadre de la sortie du très attendu Sirocco et le royaume des courants d’air le 13 décembre prochain, nous avons rencontré Benoît Chieux, son réalisateur pour parler de cette aventure qui le porte depuis des années. Primé du Prix du public lors de sa première mondiale au Festival d’Annecy 2023, nous sommes heureux d’accompagner sa sortie.

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Benoît, c’est un honneur pour nous de te retrouver dans le cadre d’une telle occasion : la sortie de ton premier long-métrage sur les écrans en décembre prochain, qu’est-ce que ça fait de voir son projet se réaliser ?

C’est un immense soulagement. Porter un enfant c’est bien, mais on est content quand il est là ! C’était une gestation particulièrement longue, j’ai réalisé les premiers dessins à la fin du long-métrage Tante Hilda en 2014. Je suis donc soulagé et heureux de savoir que Sirocco ait pu voir le jour et inquiet de savoir ce qu’il va devenir, comme un jeune parent !

Tellement heureux que tu envisages même de t’impliquer fortement dans la promotion de ton film dans les salles et d’aller à la rencontre du public. Quelle importance tu donnes à cette rencontre ?

J’ai trop rarement suivi mes films dans les festivals et rencontré le public. Avec Sirocco j’ai envie de vivre l’aventure pleinement et de rencontrer les spectateurs, d’échanger avec eux mais aussi, plus largement, avec le distributeur et les exploitants de salles de cinéma qui ont un rôle déterminant dans le succès d’un film. La lutte pour faire vivre un cinéma différent est parfois difficile et si ma présence peut aider, tant mieux.

Parle-nous de l’importance d’être immergé dans l’écosystème qu’est le Pôle de l’image Animée – La Cartoucherie et la possibilité de piloter toute la production depuis le studio Les Astronautes.

La Cartoucherie est un lieu privilégié pour la création et l’animation. Faire des films, enseigner à l’école de La Poudrière est une manière de vivre avec cet écosystème, de rencontrer de nombreux artistes de tous âges, c’est particulièrement stimulant. Je suis entouré de personnes très talentueuses qui me permettent de me lancer dans des projets ambitieux comme Sirocco. Nous n’aurions jamais pu fabriquer le film sans les compétences du studio Les Astronautes, dirigé par Jean Bouthors et Vanessa Buttin-Labarthe, ni sans la complicité qui nous unit. A l’heure du télétravail, la proximité avec son équipe est un véritable luxe.

Ton film semble rendre hommage au Voyage de Chihiro et au style de Miyazaki. Tu es d’accord avec cette influence-là ? et il y en a pleins d’autres, dont également des contes qui n’ont pas encore été traités au cinéma.

Je n’aime pas beaucoup le mot « hommage » qui est un concept un peu mou, disons-le franchement, j’ai pompé sa façon de faire. Mais il ne suffit pas d’aimer un auteur pour arriver à faire la même chose que lui et le modèle que nous offre les films de Miyazaki est inaccessible. C’est pourquoi je me suis principalement intéressé à une petite partie de sa façon de faire, sa façon de mettre en scène, qui est d’une complexité hors norme. Pour le graphisme, mes influences sont ailleurs, j’ai grandi avec les images de Moebius et j’adore l’illustration jeunesse. Je suis, entre autres, un admirateur de l’œuvre de Claude Ponti et de Nicole Claveloux.

Ton film traite également avec brio de sororité ; un thème d’actualité dans un univers onirique.

Plus que le thème, il me semble que c’est surtout le mot « Sororité » qui est nouveau. Pourquoi avons-nous attendu si longtemps pour nommer la relation entre sœurs ? Pour être honnête, avec Alain Gagnol, le scénariste du film, nous ne tenions pas particulièrement à faire un film féminin mais force est de reconnaitre que dans Sirocco il n’y a pas beaucoup d’hommes. J’ai grandi avec 5 frères et deux sœurs et j’ai certainement chercher, inconsciemment, à rétablir une forme d’équilibre. C’est la preuve qu’un film parfois nous dépasse et se révèle à nous-même. En ce qui concerne l’univers onirique, je crois profondément que la fantaisie est une manière déguisée de parler de notre monde actuel de manière plus symbolique et pus universelle que ne pourrait le faire un documentaire. C’est exactement ce que fait un enfant lorsqu’il dessine un rond avec des traits autour pour représenter le soleil.

La musique semble être comme totalement inhérente au film. Peux-tu nous parler de ton expérience autour de cette composition et l’enregistrement ?

Il faudrait poser la question à Pablo Pico qui donnerait une réponse bien plus complète que la mienne. C’est vrai que j’intègre très tôt des éléments musicaux et sonores dans la préparation du film. Il m’est, par exemple, presque impossible de mettre en scène une séquence lente sans l’aide de la musique. Avec une belle musique, la lenteur peut devenir une force, en animation on a toujours trop peur du vide et une fâcheuse tendance à accélérer l’action. Avec Pablo, nous étions d’accord pour avoir une musique orchestrale afin de traduire les grands espaces du royaume des courants d’air avec une grande variété d’instruments de différentes « couleurs ». Le résultat est grandiose. J’ai également eu la chance d’assister à l’enregistrement de la scène de l’opéra avec Célia Kaméni, c’était un moment d’émotions très intenses et j’en garde un souvenir extraordinaire.

Autre chose à ajouter ?

Pour terminer, je souhaite remercier tous ceux et toutes celles qui ont participé à cette aventure avec une pensée particulière pour la merveilleuse petite équipe des Astronautes qui m’a soutenu tout le long de la fabrication.