Sorties : Sortie de Roquette & Les mal-aimés au cinéma

À l’occasion de la sortie de Roquette & les Mal aimés le 7 février dans les salles, nous avons rencontré Hélène Ducrocq, sa réalisatrice et Pierre Dron, producteur et distributeur de ce film réalisé au sein du Pôle de l’image animée.

Publié le – Mis à jour le

Hélène, voici, si j’ose dire, la sortie d’une suite à la série qui avait connu un beau succès, Les Mal-Aimés ?

La sortie en salles du premier programme Les Mal-Aimés a été une aventure exceptionnelle, même dans un contexte particulièrement difficile. Composé de 4 courts-métrages, 4 livres, et de contenus en ligne, ce programme explore avec douceur et tendresse l’univers méconnu de ces animaux à mauvaise réputation. En septembre 2020, nous avons entamé une tournée pour accompagner ces films sur lesquels nous avions travaillé intensément pendant six ans.

Échanger et partager avec le public est une récompense inestimable pour notre travail, malgré un contexte peu favorable avec les restrictions, la fermeture des salles, et une atmosphère parfois frustrante. Cependant, nous avons été agréablement surpris par l’affluence significative en salles et les retours chaleureux de spectateurs, de cinémas, et d’enseignants.

Les dessins touchants des personnages, les prix du public remportés dans divers festivals, et les témoignages émouvants de personnes partageant leur connexion avec nos films nous ont profondément touchés. Les débuts de chaque séance, avec la question “est-ce qu’il y a des animaux que vous n’aimez pas ou qui vous font peur ?”, ont créé une interaction passionnante avec le public, inspirant en moi le désir de créer un film pour chaque animal mal-aimé.

Même avec la sortie de “Roquette et les Mal-Aimés” (ce nouveau programme de 4 films), de nombreuses possibilités subsistent pour d’autres programmes. Il est essentiel de souligner que ce n’est pas une série ou une suite au sens strict du terme, car chaque histoire est indépendante, avec un univers unique et des designs différents pour chaque film.

Finalement, la période difficile de 2020-2021, où j’ai entendu une petite voix me dire “tu es non-essentielle, personne n’a besoin de films pour vivre”, m’a motivée à revenir avec une envie décuplée de partager l’importance de ces sujets. Depuis 2014, année de la genèse de ce projet, dix ans se sont écoulés, et nos films continuent de progresser sur ces thèmes cruciaux.

Ton approche traditionnelle d’excellence de l’animation, avec l’utilisation du papier découpé donne ce côté organique, qui nous renvoie à la nature, à la Drôme. As-tu fait le choix de choisir des mal aimés typique de la Drôme ?

Absolument ! Surtout pour le film sur le requin ! Haha, je plaisante à moitié. À Valence, nous avons eu le privilège de rencontrer l’un des plus éminents spécialistes des requins, François Sarano, avant de réaliser le film. Il a été le premier à nager librement aux côtés du grand requin blanc !

Dans le premier programme, les animaux (loup, vers de terre, chauve-souris, araignée) étaient principalement drômois, bien que l’on puisse les retrouver dans de nombreux autres départements. Dans “Roquette et les Mal-Aimés”, nous partageons une chanson avec les corbeaux, une histoire qui m’a été inspirée dans mon quartier, près de la Cartoucherie ! On y trouve également une blairelle et une renarde qui pourraient être typiquement drômoises. Cependant, pour ce programme, nous avons également exploré “le pays de l’ours” dans une région qui partage autant de problèmes de cohabitation avec l’ours que nous en avons avec le loup. Et comme la France ne se limite pas à la métropole, le requin permettait de faire le lien avec l’outre-mer.

Mon environnement proche m’inspire énormément, mais les voyages et certaines rencontres permettent d’élargir le propos. L’objectif est de toucher le plus grand nombre sur ces sujets, et pour cela, il faut pouvoir parler à tous. Jusqu’à présent, le travail s’est focalisé sur des mal-aimés qui se trouvent en bas de chez nous, car on croit souvent que la protection de la biodiversité ou de la nature concerne uniquement les ours polaires ou les animaux exotiques. Non, c’est aussi la disparition de la faune locale, celle qui est en bas de chez nous, même en ville !

L’occasion de poursuivre ton engagement en faveur de la biodiversité, c’est bien cela ?

Quand la fermeture des cinémas m’a laissée le cœur lourd, une force intérieure m’a poussée à reprendre le travail avec une énergie nouvelle : l’envie ardente de partager ma passion pour la biodiversité et le cinéma ! La constatation d’injustices envers les animaux me donne la ferme volonté de réagir, et de montrer les dents (ah ah – je m’appelle Ducrocq). Je prends ma meilleure arme : le pinceau, une paire de ciseaux, une caméra, et je passe à l’attaque ! Grrrrrr…

Si la défense de la biodiversité me tient tant à cœur, ce n’est pas seulement parce que j’adore les bébés pandas sur YouTube. Lorsqu’un animal mal-aimé est chassé simplement parce qu’il est considéré comme laid ou dérangeant, cela me pousse à réfléchir profondément sur ce que cela révèle de notre société. La citation de Gandhi résonne en moi : “On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités“.

Cette prise de conscience remonte à ma jeunesse, et c’est pourquoi je m’adresse particulièrement à un public d’enfants. Je crois qu’ils sont confrontés très tôt à des jugements, des injustices et des inégalités. Mon objectif est de les divertir tout en leur offrant des films qui reflètent leur réalité, en utilisant les outils dont ils disposent !

Peux-tu nous en dire plus sur le processus créatif particulier que tu utilises pour donner vie à tes films ?

Merci. C’est gentil de souligner ma singularité.

Le processus créatif que j’adopte pour donner vie à mes films est à chaque fois unique. Chaque film possède son univers, sa technique, son ambiance… Tous ont en commun une véritable fusion entre passion, artisanat et engagement.

Tout commence par une immersion profonde dans le monde de la biodiversité, où je cherche à comprendre et à célébrer la beauté de chaque créature, même les plus mal-aimées. Pour cela, je m’immerge avec des naturalistes et des scientifiques pour comprendre ces animaux et retranscrire de véritables propos. Parfois, je donne la parole à une renarde qui chante le punk ou une blairelle qui chante le blues… mais chaque élément des films est vérifié et prouvé scientifiquement. Cela permet ainsi aux cinémas, aux enseignants, aux naturalistes de poursuivre le travail d’accompagnement des films qui me tient à cœur.

En tant que réalisatrice, j’apporte une touche personnelle à chaque étape. Le choix du papier découpé, de la 2D numérique, de la peinture animée ou de la muppet est une décision délibérée, car elle confère à mes films une texture organique qui évoque la nature elle-même. Mais surtout, la technique est au service du propos et pas l’inverse. Chaque découpe, chaque mouvement, chaque trait, chaque couleur est une expression artistique de ma vision et de ma connexion avec le sujet.

Filmé à hauteur d’enfants, “Roquette et les Mal-Aimés” célèbre la créativité des jeunes et les invite à créer : des histoires, des dessins, des films, des marionnettes… C’est à travers la création que nous forgerons de nouveaux imaginaires, suscitant ainsi des changements tangibles dans notre manière de vivre ensemble, de défendre la biodiversité et de célébrer la diversité.

Pour ce nouveau programme, j’ai ressenti le besoin de partager mon processus créatif. J’ai donc choisi de réaliser ces films durant 2 ans 1/2 en direct sur Twitch. Chaque jour, j’ouvrais mon atelier et je dévoilais mon storyboard, la fabrication des personnages, le tournage, le montage, etc…

Cette expérience a conduit à la production en direct de mes films sur Twitch, stimulant ma créativité et offrant une transparence inédite dans le processus de réalisation. Cette approche novatrice a été une double victoire.

D’une part, elle a assuré une reprise quotidienne du travail, et d’autre part, elle a offert une plateforme continue pour partager chaque étape de la réalisation des films. En comparaison, mon programme précédent a nécessité 6 ans de fabrication, tandis qu’avec cette méthode, j’ai réussi l’exploit de créer 4 films en 2 ans et demi.

Les échanges réguliers avec le public, leurs réactions, et les discussions animées avec les salles, les médiateurs nature, et les festivals cinéma ont profondément influencé ma vision créative. Le résultat a été la conception de films à hauteur d’enfants, visant à rendre mes créations accessibles et à inspirer la jeune génération à créer à son tour.

Je crois savoir que vous entamez une tournée partout en France pour présenter le film, quelle audience visez-vous ?

Nous sommes enthousiastes de lancer une tournée à travers la France pour présenter ‘Roquette et les Mal-Aimés’. Notre ambition est de toucher un public varié, allant des enfants aux familles, en passant par les enseignants, les éducateurs, et les passionnés de nature, d’histoires, de cinéma, et de création.

Le choix du cinéma va au-delà de la simple projection de film.

C’est un lieu vivant où films et public se rencontrent, créant un espace de dialogue entre différents acteurs engagés pour un monde meilleur.

L’audace créative de notre programme propose au public une expérience cinématographique complète, éveillant l’amour de la biodiversité. Chaque séance est conçue pour être mémorable et enrichissante, intégrant des quiz, des jeux, des ateliers, et des animations avant et après les projections.

Ainsi, nos films deviennent la porte d’entrée vers d’autres espaces d’échanges et de créativité.

Notre ambition est de susciter un mouvement d’éveil environnemental par la création !

Vous pouvez découvrir un aperçu de cette expérience unique avec les nombreuses ressources ludiques et pédagogiques disponibles sur notre site Les Mal-aimés.

Pierre, peux-tu nous parler de la nouvelle orientation de Citron Bien dans l’activité de distribution pour 2024 ?

Effectivement, chez Citron Bien, nous amorçons une nouvelle phase passionnante en 2024 en nous aventurant dans la distribution de nos propres films. Pour nous, la distribution n’est pas simplement un acte commercial, mais une connexion profonde avec notre public. Chaque film que nous créons est ancré dans la mission de sensibiliser et d’émerveiller. La distribution devient ainsi une passerelle directe vers nos spectateurs, une opportunité d’étendre notre impact et de tisser des liens durables avec nos partenaires et les cinémas que nous touchons.

Quels sont les défis et les objectifs que vous vous fixez en vous lançant dans cette nouvelle aventure ?

Les défis qui se présentent à nous sont autant d’opportunités d’innover. Nous souhaitons redéfinir la manière dont la biodiversité est perçue et abordée. Chaque film que nous distribuons ouvre une fenêtre sur la beauté et l’importance de notre environnement, stimulant la créativité et ébranlant les fondements de la pensée conventionnelle. Au-delà des écrans, la distribution devient une source de créativité, un courant qui alimente le mouvement et le changement. Notre autonomie financière, fruit de la distribution, nous donne le pouvoir de continuer à raconter des histoires porteuses de sens et de substance. Notre passion intemporelle pour le cinéma, la nature et le changement positif guide chacun de nos pas dans cette nouvelle aventure, et nous espérons inspirer d’autres entrepreneurs de la création à suivre leur passion avec audace et dévouement.

Autre chose à ajouter ?

Avec plaisir !

Toutes les informations sur nos rencontres, ateliers et événements sont disponibles sur l’écosystème créatif de Les Mal-Aimés via notre site : Les Mal-aimés. Vous y trouverez les prochaines dates pour rencontrer l’équipe, participer à nos ateliers, et bien plus encore.

Et si l’envie vous prend de voir nos films en salle, que ce soit avec des amis, votre classe, ou votre centre de loisirs, n’hésitez pas à suggérer à votre cinéma préféré de diffuser Roquette et les Mal-Aimés ! Nous serions ravis de partager nos histoires avec un public toujours plus large.